En 2023 et 2024, dans le cadre du programme d’enseignement moral et civique de la classe de terminale générale consacré à la démocratie et en partenariat avec la mairie de Gagny, des élèves du lycée Gustave Eiffel participent à une réflexion sur l’engagement politique, sur le fonctionnement d’une municipalité et sur les contraintes de la décision publique en suivant un projet d’aménagement urbain. Cette page présente quelques extraits des travaux d’élèves issus de ce projet.
Quelques réflexions après la rencontre avec le maire de Gagny du 10 octobre 2023″
Le 10 octobre 2023, le maire de Gagny, Rolin Cranoly et son conseiller municipal délégué au Handicap, au Protocole et à l’Education à la citoyenneté, Dorian Cousin, ont rencontré durant 1h30 les élèves des classes de terminale générale TG1 et TG2. Ci-dessous quelques extraits des « rapports d’étonnement » rédigés par les élèves après leur échange avec ces élus.
Faire de la politique
« […] J’ai appris que pour faire de la politique, tu n’as pas besoin de faire des études spécifiques. Avant, je pensais qu’il fallait être un expert en sciences politiques, mais le maire lui-même n’a pas suivi cette voie. Cela m’a ouvert l’esprit sur le fait que tout le monde peut s’impliquer en politique, même sans études spécialisées »
Un élève de TG1
« J’avais toujours eu une vision relativement simpliste de la politique, où les citoyens élisaient des représentants et ces derniers prenaient des décisions en leur nom. J’ai été surpris par leur engagement et leur passion pour améliorer la vie des habitants […] Cette rencontre m’a fait réaliser que les personnes en politique ne sont pas des bureaucrates lointains, mais que ces élus sont vraiment dévoués à servir la collectivité »
Un élève de TG2
« Je ne savais pas du tout comment fonctionnait la mairie de Gagny. J’ai donc appris beaucoup de choses comme, par exemple, le fait que le maire n’était pas directement élu par les habitants de la ville. Cependant, cette rencontre n’a pas complètement changé ma vision de la politique. J’ai un rapport assez négatif avec les hommes politiques ou la politique en général, car je trouve que les grands problèmes de la société ne sont pas réglés et que les élus se concentrent sur des situations qui ne sont pas une priorité, qui ne font pas avancer la France. Mais le maire a réussi à changer un point de ma vision […] Il ne laisse pas ses opinions politiques influencer les décisions concernant la ville, ce que je pense essentiel au bon fonctionnement de celle-ci »
Emma, élève de TG2
« Personnellement, je n’ai jamais été intéressée par tout ce qui est de la politique. Pourquoi ? Car, pour moi, la politique se résumait à des débats entre politiques avec différentes idées, qui menaient à des conflits entre deux parties, et qui, quand ces conflits vont plus loin, impliquent des civils et des citoyens innocents qui n’avaient donc rien à faire dans ce conflit. Mais avec la rencontre avec le maire et nous, et toutes ces paroles échangées, j’ai d’abord vu qu’il ne rejetait aucune question, qu’il les prenait toutes au sérieux et y répondait honnêtement et sans jugement. J’ai trouvé cela perturbant au début car je pensais qu’il se contenterait de faire un « speech » valorisant sa fonction et la politique, mais…loin de là. […] La chose qui m’a le plus marquée, c’est quand il a dit qu’à chaque fois qu’il entendait une sirène d’ambulance, il n’était pas serein […] J’ai compris que les politiciens n’étaient pas tous si égoïstes que cela […] Mais il y a quand même un point que j’ai moins apprécié, c’est lorsqu’il a raconté qu’une policière l’avait pris pour un civil, lui avait pris le bras et qu’il lui avait répondu «…je lui ai bien fait comprendre que je n’étais pas n’importe qui… ». A ce moment, le terme « n’importe qui » m’a dérangée. Pour lui, il y aurait donc différentes manières de traiter les personnes selon leurs fonctions ? Je comprends qu’il devrait y avoir du respect, mais, dans notre devise, il y a bien « égalité ». Ce simple détail m’a refroidie par la suite […]
Jahnice, élève de TG2
« […] Cette rencontre avec le maire de Gagny a été très intéressante. Tout le monde n’a pas la possibilité de rencontrer un élu municipal et de débattre. C’était très intéressant de voir comment il s’adressait et interagissait avec les élèves. En politique, tout est politique. Les moindres détails sont importants. Lorsqu’il s’adressait aux élèves, notamment ceux qui parlaient avec un langage de « jeune », il adaptait le sien. Cela peut paraître inutile, mais non : adapter son langage pour un politique permet une meilleure appréhension ainsi qu’une meilleure popularité. Par ces détails, le politique a pu avoir un public plus intéressé pour lui. On peut le remarquer lorsqu’il a intégré des faits qu’il a pu vivre dans son argumentation : le cerveau humain intègre une pensée lorsqu’elle est illustrée par un fait réel qui marque l’émotion de l’auditeur […] »
Jérémy, élève de TG2
« […] Bien que pour moi, le maire a accepté de faire cette conférence pour augmenter sa popularité auprès des jeunes en vue des prochaines élections municipales [et bien que] cette rencontre ait eu un but publicitaire, elle fut quand même très plaisante et instructive. Cette rencontre m’a montré l’importance de la communication dans la municipalité »
Franck, élève de TG1
Le rôle du maire
« J’ai compris que le maire est un agent de l’Etat lui permettant d’être officier d’état civil pour inscrire dans le registre d’état civil différents évènements marquants d’une personne : naissance, mariage, décès) et également un agent exécutif de sa commune lui donnant un pouvoir d’agir : il affecte des propriétés communales, met en place la création de nouvelles classes dans les écoles, peut faire des emprunts et agir en justice). Je trouve donc que ce sont de grands pouvoirs qui impliquent de grandes responsabilités. Je pense aussi, suite à cet échange que ce métier demande une certaine motivation, sinon il serait facile de tomber dans la dépression. Je ne m’imaginais pas qu’un maire puisse être autant sollicité. Car, bien qu’il soit maire, il reste un humain.[…] Il est donc tout à fait normal d’avoir des délégués permettant de réduire le poids [de sa charge], avec pour contrainte notable que ce nombre de délégués dépend du nombre d’habitants dans la commune »
Un élève de TG2
« Au-delà de l’image publique, la rencontre m’a permis de comprendre l’étendue et la complexité des responsabilités du maire, des multiples « casquettes » qu’il doit porter au quotidien. En tant que chef de la municipalité, il doit équilibrer les intérêts divers et parfois contradictoires de sa communauté. La gestion des services publics, le développement économique, l’éducation, la sécurité et bien d’autres domaines exigent un engagement sans faille. Cette rencontre m’a également révélé l’importance de la collaboration avec des citoyens individuels pour favoriser le progrès et le bien être collectif »
Un élève de TG2
« […] J’ai appris que la politique locale est souvent beaucoup plus accessible et transparente que la politique nationale que l’on voit souvent à la télévision. Les décisions prises au niveau municipal ont un impact direct sur notre quotidien. Cette rencontre m’a fait prendre conscience de l’importance de s’impliquer au niveau local pour influencer les politiques qui nous touchent directement. Pour finir, la discussion avec le maire m’a montrée que la politique ne se limite pas qu’aux querelles entre citoyens. Il s’agit avant tout de résoudre des problèmes, d’écouter les besoins de la communauté et de chercher des solutions. Cette expérience m’a encouragée à m’intéresser davantage à la politique et au droit en général et à considérer la participation citoyenne comme un moyen de contribuer activement à l’amélioration de la ville »
Une élève de TG2
« Personnellement, avant ce débat, je pensais que le maire avait moins de charges que cela. Je croyais qu’il avait un emploi du temps fixe où il devait gérer les évènements, les problèmes… Mais j’ai appris qu’on pouvait l’appeler à n’importe quel moment et qu’il avait de nombreuses responsabilités […] »
Une élève de TG2
« […] les deux choses qui ont le plus changé ma vision des choses sont : 1) le fait que le maire [exerce des fonctions de police] dans la ville ; 2) les heures et la charge de travail car même si je me doutais que le maire de la ville travaillait beaucoup, je ne pensais pas qu’il travaillait autant […] Il nous a dit qu’il arrivait à la mairie le matin à 7h et qu’il finissait par rentrer chez lui aux alentours de 20h »
Une élève de TG1
« […] je ne savais pas que le maire avait un travail avant qui le rémunérait mieux que son poste actuel et je ne savais pas que les élus n’étaient pas énormément protégés.
Une élève de TG1
« Tout d’abord, j’ai apprécié ce moment passé avec le maire. Je ne le connaissais pas et j’ai appris plusieurs choses. Par exemple, au début, je pensais qu’un maire était « un peu » comme un député, qui fait des conférences sur BFM où des personnes se coupent systématiquement la parole, sans jamais se comprendre. C’est en partie pourquoi je n’ai jamais apprécié la politique. Le maire est en réalité une personne au contact de sa ville, sans réelle protection […] Ensuite, le maire ne gagne pas des montagnes d’argent […] J’ai appris que le maire pouvait avoir ses propres avis politiques, appartenir à un parti politique même en étant maire. Il peut aussi garder son ancien travail et du jour au lendemain, vouloir ne plus être maire »
Louis, élève de TG2
« Qui, parmi vous, défendrait la France en cas de guerre ? »
« Par ces mots, le maire de Gagny nous a posé un dilemme bien plus complexe qu’il n’y paraît. Pourquoi est ce que je lève immédiatement la main, comme instinctivement ? D’où vient que, très vite, cette réaction me met mal à l’aise ? Ce qui n’appelait qu’une réponse binaire m’engage dans une réflexion bien plus profonde sur mon rapport aux concepts de nationalisme, d’engagement, de pacifisme, de qu’est vraiment le Politique, c’est-à-dire ce qui relève de « l’être politique » ou du « faire politique ».
Tout d’abord, mon questionnement s’arrête sur un sentiment, celui d’aimer son pays. Sans même parler d’identité nationale, comment peut-on dire et affirmer qu’on aime quelque chose d’aussi indéfini et abstrait qu’un pays ? On aime quelqu’un. On aime faire du sport. Que veut dire aimer son pays ? C’est cet amour qui, pour M. le Maire, justifie une défense totale de sa part de la France. C’est lui qui également a conditionné ma première réaction, avec l’idée que si je ne lève pas la main, cela voudrait dire que je n’aime pas mon pays. J’aime mon pays de peur de devoir ne pas l’aimer. Mais c’est aussi ce sentiment qui me plonge presque immédiatement dans une forme de regret. Est-ce qu’aimer la France, c’est la défendre coût que coûte, quel que soit le contexte ? Il m’apparait que je ne le ferais pas si la France était une dictature ou un régime totalitaire. Aimer la France pendant la Seconde guerre mondiale, s’agissait-il d’être vychiste ou résistant ? Ceux que l’on qualifie comme nos ennemis dans un conflit n’aiment-ils pas eux aussi leur pays ? Ma conception du droit, de la justice et de la démocratie me conduisent à me méfier des émotions pour fonder le politique. Les partisans de la peine de mort sont dans la vengeance pour justice. Je suis abolitionniste et français. Suis-je nationaliste ? Sans doute, mas ce nationalisme, plus ou moins passionnel, n’est désormais, d’après moi, qu’une réponse bien trop simpliste.
D’autant plus que défendre, aimer son pays, n’est pas l’empêcher d’être en guerre ? Cette dernière me semble toujours être un échec, une défaite, celle de la parole, la raison contre la violence et le mépris ; la défaite de la démocratie et du politique dans ce qui contribue à lier les humains. Le cas de Jean Jaurès me vient à l’esprit Lui qui a prouvé son engagement politique et donc, par ce fait, je le crois, une forme d’amour pour la France, est assassiné pour avoir été pacifiste, pour avoir considéré que défendre la France, c’était lui épargner un conflit armé. Etait-il un mauvais Français ? Je ne le pense pas non plus. Toutefois, je me demande ussi ce qu’il aurait fait s’il avait été entrainé dans cette guerre qu’il a combattue avec tant de vivacité. Aurait-il continué à exprimer son désaccord total en bravant, comme il l’eut pu, la censure ? Ou aurait-il rejoint le gouvernement français transpartisan et d’union qui conduisit la France durant la première guerre mondiale ? Et moi ? « Et si j’étais né en 17 à Leidenstadt » chantait Goldman ? Aurais-je été nazi par amour de mon pays et soif de revanche ? Difficile, peut être inutile de tenter de revisiter l’histoire, d’entrer en uchronie. Mais ces questions montrent toute la complexité du dilemme initié par M. le Maire et expliquent mon étonnement.
En réalité, il ne s’agit, je crois, pour tenter d’y répondre, non pas de se demander si on aime ou pas son pays, mais d’interroger ce qui motive notre engagement, notre idéal de ce qu’est le politique. Il s’agit d’interroger notre idéal démocratique, en tant qu’il permet de réunir les hommes et les femmes, au-delà des frontières et des cultures »
Raphaël, élève de TG1